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Cahiers intimes d'orientation marxienne
27 juillet 2013

On ne badine pas avec l'amour

Il y a des livres que j’aurais honte de posséder, que néanmoins je dois connaître ne serait-ce que pour me renforcer dans l’idée que je suis sur la bonne voie. Ces livres, je les lis d’une page l’autre au gré de mes visites à la Fnac ou chez Gibert. C’est ainsi que j’ai presque fini Et si l’amour durait d’Alain Finkielkraut. Je ne dirai rien des quatre essais littéraires qu’il contient et qui ne valent pas plus qu’une bonne dissertation de bon lycéen. Ce qui m’a le plus frappé, c’est la préface par laquelle Finkielkraut justifie d’avoir réuni ces quatre textes que personne n’attendait et qui n’auraient manqué à personne.

Finkielkraut commence par poser que « nous sommes tous modernes en ceci que nous revendiquons et que nous exerçons la liberté d’aimer qui nous voulons, comme nous voulons et le temps qu’il nous plaît. Nous avons balayé les conventions et supprimé les contraintes qui pesaient sur l’amour. Nulle autorité extérieure ne nous dicte nos comportements. La collectivité n’a plus voix au chapitre. » On aimerait le croire. Mais quid des mariages forcés, des lapidations et des gynécées de drap sombre ? Mais quid de la pénalisation de l’homosexualité ? Ah, j’ai compris ! Tous ceux-là ne sont pas modernes, ils sont encore en plein Moyen-Âge de l’amour. Mais quid alors des jeunes versaillaises – plus blanches et catholiques tu meurs – qui se font posément enculer pour arriver vierges au mariage ? Et pourquoi les jeunes cailles – dans les RER vers Paris – retirent-elles le survêtement sous lequel elles ont enfilé en contrebande un slim de minet ?

Partisan d’une liberté métaphysique définie comme arrachement aux déterminismes, et soucieux d’en produire au moins UN exemple, Finkielkraut parle d’amour. Son comparse Luc Ferry ne fait pas autre chose. Dans Apprendre à vivre, il « préfère (…) postuler, même si elle reste, en effet, mystérieuse (…) une faculté d’arrachement à la nature et à l’histoire, cette faculté que Rousseau et Kant nommaient la liberté. » Et Luc Ferry ne vient-il pas de publier un De l’amour, où il construit une nouvelle philosophie dont l’amour passion – par opposition au mariage de raison – serait le principe ? L’amour est le dernier cul-de-sac où se retranchent les partisans de la liberté métaphysique. Parce qu’au temps où « le déterminisme scientifique n’était pas encore élaboré, même pour ce qui concerne la nature, l’irrationalité de cette thèse (sur la liberté métaphysique) n’apparaissait pas encore de manière éclatante. Mais au fur et à mesure que la pensée moderne découvrit partout la nécessité naturelle derrière les miracles ou les hasards apparents, et la nécessité sociale derrière les conduites humaines, la fiction métaphysique d’un acte sans cause, d’un choix pur, d’un libre arbitre transcendant pouvait de plus en plus difficilement être soutenue par des arguments logiques. » (Lucien Sève, La philosophie française contemporaine et sa genèse de 1789 à nos jours)

Ne pouvant pas démontrer cette « faculté d’arrachement à la nature et à l’histoire », toutes les sciences aux trousses, Ferry et Finkielkraut tâchent de sauver ce qui reste de leur liberté métaphysique en la plaçant au principe de l’amour. Las ! Les femmes lapidées, les homosexuels exécutés, les vierges versaillaises, les lascars et les rallies leur donnent évidemment tort. Mais c’est quand même bien joué. Prendre l’amour en otage ; il fallait y penser ! Car qui – même l’affreux matérialiste que je suis – renonce le cœur léger au coup de foudre amoureux ?

Prochain billet : L’amour du point de vue du matérialisme dialectique.

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Commentaires
A
Quel bel article! Mais à quand le prochain??
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