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Cahiers intimes d'orientation marxienne
20 février 2010

Mauvais air ! Ces ateliers où on fabrique l'idéologie scolaire ! Il me semble qu'ils sentent le mensonge à plein nez !

Il y a quelques mois, j'ai discuté avec un garçon magnifique, un lycéen. Il était très curieux de mon communisme et en même temps choqué qu'un marxien pût être professeur : ne risquai-je pas de contaminer mes élèves ? Lui me vantait sans cesse son professeur de philosophie, une femme impartiale, un modèle de rigueur, la voix de la Raison enfin ! Moi ça me faisait bien rire : de Nizan je sais que la philosophie n'est pas un produit pur de la raison désintéressée, qu'elle n'est pas le fruit éthéré de la sagesse. Et la violence avec laquelle mon lycéen se fermait aux coins marxiens que je tentais d'enfoncer dans sa petite cervelle, me disait assez combien il avait bu de cet enseignement neutre. Un jour que j'avais moqué une fois de plus sa voix de la raison et qu'on s'était disputé, il m'a donné - d'un air plein de mystère et m'arrachant la promesse de n'en pas mésuser - l'adresse du blog de son professeur de philosophie. J'y suis allé, j'ai vu : rien que d'anti-marxien. Et pourquoi pas après tout ? Elle aura choisi son camp. À moi de défendre le mien.
Mais par où commencer ?
Dois-je dénoncer le ton de cette philosophie ? Une philosophie quiète qui prône la sagesse et la mesure et qualifie - avec Kolakowski - d'erreur de jeunesse toute tentative de transformer la société. Une philosophie de la résignation qui invite à laisser aller - avec Jean-Paul II - le monde comme il boîte. Une caution philosophique du laisser-faire peut-être : ne trouve-t-on pas sur ce blog le texte d'une conférence de Pierre Manent sur le libéralisme ?
Dois-je critiquer l'assimilation fallacieuse du communisme au nazisme ? Dans un cours sur la vérité par exemple, au sujet de la conception pragmatique de la vérité, on lit qu'il est dangereux de fonder la vérité sur la réussite pratique. L'expérience montre en effet que les idées les plus folles ont eu leur heure de gloire. Elles ont été efficaces, très efficaces. Pensons à l'idée nazie, à l'idée communiste.
Dois-je relever  toutes les tentatives perfides de discréditer la pensée-Marx au prétexte qu'elle aurait déjà été essayée - ah, malheur ! - en URSS ?
Dois-je mettre au jour les tours de passe-passe qui l'amènent à conclure que le communisme est une utopie - au moment même où elle prétend que le communisme a eu lieu en URSS ?

Prochain billet : Contre-cours sur le travail !

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Commentaires
B
Merci de tes commentaires ! Je suis allé voir ce que faisait ce lapin, mais il est tard et il écrit tous les jours, lui, de quoi m'occuper longtemps.<br /> Quant au titre de ce blog, oui, c'est un peu grave, mais anyway.
E
Tu pourrais trouver un titre plus poétique pour ton blogue non ?<br /> Connais-tu le dernier des lapins ?<br /> Il va te plaire celui-là !<br /> http://lapinos.hautetfort.com/
B
Merci de votre commentaire. <br /> Je tiens d'abord à préciser que ce billet n'est absolument pas argumenté, je l'ai conçu comme une introduction aux billets suivants qui le seront davantage. Des billets où je montrerai que citer Pierre Manent quand il dit que le libéralisme c'est un peu comme la gravité (laisser les hommes suivre leur pente naturelle, sans les freiner ni les accélérer), relève d'un ton quiet : laissons les choses suivre leur cours. <br /> Ce que je voulais dire à propos de ce professeur de philosophie, c'est que la plus perfide allusion anti-marxienne prend toujours avec elle des allures de raison et de sagesse, avance masquée si vous voulez !<br /> Et puis, je ne me moque de personne - ni de mon lycéen ni de notre philosophe, dont le travail force l'admiration. En fait, je me sers de son blog comme d'une stimulation, tant il est plus simple de penser contre quelque chose quand on est encore à se former. Et le fait que je m'attaque ainsi à une personne dont j'estime le travail, sur un blog que personne ne lit, montre bien qu'on peut chercher la vérité presque pour elle-même et que quelque chose d'irrépressible nous y pousse. <br /> Il y aurait encore beaucoup à dire sur tout le reste. Juste ceci : pour Marx, il faut chercher ce qu'est "l'homme", en dehors de l'homme, dans le monde de l'homme, dans la somme des actes objectivés (moyens de production, langage...), on ne peut donc pas changer "l'homme" sans changer la société, et c'est parce que Marx veut changer "l'homme", le libérer des aliénations qui le rabougrissent, qu'il faut changer la société. Je ne vois pas en quoi le slogan "changer l'homme" est critiquable, si on entend par là le rendre aussi humain qu'il peut être.<br /> <br /> Et aussi, ce blog s'appelle "Cahiers intimes d'orientation marxienne", par quoi je voulais suggérer que la pensée-Marx accorde une importance capitale à l'individu concret, puisque c'est pour lui qu'il faut changer la société. Vérité souvent ignorée des marxiens eux-mêmes qui pensent oeuvrer pour la masse. Suggérer aussi que toute idée doit être mise dans son contexte pour prendre tout son sens, aussi intime soit ce contexte.
A
Publier un blog intitulé "cahiers intimes de confessions marxiennes" relève déjà de la publicité de cet intime, dès lors plus tout à fait intime. Votre lycéen fait référence à son professeur de philosophie comme à quelqu'un qui lui apporte un certain nombre de clefs pour aborder des questions importantes : pourquoi s'en moquer ? La référence à Nizan relève de la théologie marxiste, c'est-à-dire à l'auto-référence. D'autant plus que personne n'a jamais dit que la recherche de la vérité était une recherche pure et désintéressée, sinon pourquoi la rechercher ? Qu'on la distingue de la recherche de l'utile ne signifie pas que personne ne recherche, ni le bien, ni la beauté, de préférence au laid, au vulgaire, au vice et au mal. Bien au contraire ! Relisez le Banquet de Platon, à propos de ce désir.<br /> Maintenant, pourquoi considérer les philosophies non-marxistes (ou non-marxiennes) comme des philosophies qui "laissent le monde comme il boîte" , une "philosophie de la résignation" et jeter tout le monde (Jean-Paul II, Pierre Manent ...) dans la marmite aux vilains ? Vous croyez sans doute que seuls les fidèles lecteurs de Marx vivent dans le monde et que les autres se bernent eux-mêmes en se berçant dans les illusions des théories bourgeoises ?<br /> <br /> Fort justement, vous vous souciez de sauver Marx des totalitarismes inspirés, fondés, par la mise en pratique de lectures de Marx. Inutile de faire la bête afin de faire l'ange : c'est un secret de polichinelle que d'affirmer que les idéologies totalitaires contemporaines procèdent de lectures de Marx. Il ne s'agit pas de changer de société, mais aussi de changer l'homme. On a le droit de dire, après s'être trompé, que Marx n'aurait jamais voulu de ses héritiers. Mais on ne peut, par cet argument, enlever Marx et Engels des génies tutélaires des expériences politiques concrètes du XXe siècles. Après avoir lu les textes de Pierre Manent sur la question du totalitarisme, peut-être seriez-vous en mesure de comprendre que quelqu'un qui écrit sur le libéralisme (ou qui prononce une conférence sur le libéralisme) n'est pas, ipso facto, un adepte du "laisser-faire".
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