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Cahiers intimes d'orientation marxienne
13 septembre 2011

Comme quoi le salarié est toujours escroqué.

     Citation de circonstance : « Je n'oublierai jamais d'avoir vu à Turin un jeune homme à qui, dans son enfance, on avait appris les rapports des contours et des surfaces en lui donnant chaque jour à choisir dans toutes les figures géométriques des gaufres isopérimètres. Le petit gourmand avait épuisé l'art d'Archimède pour trouver dans laquelle il y avait le plus à manger. » Rousseau, Emile ou de l’éducation.

     Je doute que mon père a jamais lu l’Emile de Rousseau ; n’empêche qu’il aimait enseigner par expériences. Un jour par exemple il a déposé au milieu de la cuisine une friandise,  qu’il nous excita, ma sœur et moi, à atteindre en se fatiguant le moins possible. Facile ! Mesurer ses mouvements : tête haute, un bras le long du corps, l’autre tendu, pas de géants et mécaniques. J’avais les jambes et le bras plus longs et j’ai gagné la première manche.
     Mais mon père nous torturait en insinuant qu’il y avait moins fatigant. Je crois, c’est moi qui ai trouvé la solution :

« Je demande à quelqu’un de me l’apporter !
-       Bravo.
-       Oui, mais comment je trouve un boy pour faire le boulot à ma place ?
-       Bah, tu lui donnes un peu d’argent ; ou tu lui promets une petite part du gâteau.
-       Oui, mais si mon boy file avec l’argent sans faire son boulot ?
-       Bah, tu lui fais signer un contrat et ne lui donnes l’argent qu’une fois le travail accompli.
-       Oui, mais s’il se rend compte que la friandise vaut plus que l’argent que je lui promets, il va la garder pour lui !
-       Bah, c’est du vol. Tu le dénonces à la police et on te la rendra.
-       Oui, mais la friandise n’était pas encore à moi. Elle attendait bien sagement que quelqu’un se l’approprie.
-       Bah, tu l’as vue le premier. C’est toi qui as eu l’idée de l’attraper. D’ailleurs, il a signé.
-       Oui, mais quand même.
-       Bah, tu bandes les yeux de ton salarié, tu lui attaches les mains, tu le fais travailler pour toi et ne le libères qu’une fois le travail accompli. »

     J’avais, sans le savoir encore, reçu ma première leçon de capitalisme. Car oui, le salarié est payé moins que la valeur de ce qu’il produit. Il est payé à la fin du mois et fait crédit de sa force de travail du 1er au 31. Il est lié par un contrat de travail et tout l’arsenal juridique. Quant au capitaliste, il a de l’argent de réserve, une mise qu’il peut faire fructifier en se servant du salarié qui lui n’a que ses bras à vendre.

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